




En cette période électorale, l’équipe du collectif Échec aux paradis fiscaux vous propose un comparatif des positions des principaux partis fédéraux en matière de justice fiscale et de lutte contre les paradis fiscaux afin de vous aider à y voir plus clair.
Nous avons retenu les programmes des cinq formations politiques les plus importantes en fonction de leurs appuis dans les sondages. Les réponses présentées sont issues à la fois des réponses fournies par ces partis à notre questionnaire électoral ou encore de sources diverses (plateformes disponibles, sites web des partis, etc.). Les mesures sont classées selon cinq thématiques centrales à notre mission : la reddition de compte par les autorités fiscales canadiennes, la transparence des activités des multinationales, la dissuasion du recours aux paradis fiscaux, l’imposition juste des multinationales et les initiatives de réforme de la fiscalité internationale. Cet exercice de comparaison se veut neutre et non partisan.
1. La reddition de compte par les autorités fiscales canadiennes
Le gouvernement canadien a récemment mis en oeuvre de nombreuses mesures afin d’accroître les pouvoirs de vérification fiscale de l’État (Règles applicables en matière de prix de transfert, règles encadrant les opérations à divulgation obligatoire) et de prendre la mesure du taux d’observance fiscale des contribuables (Mesure de l’écart fiscal fédéral global, Registre des bénéficiaires effectifs). Ce travail de réforme en est cependant encore à ses débuts et doit faire, au courant des prochaines années, l’objet d’un effort soutenu afin de porter ses fruits.
Dans ce contexte, quels engagements votre parti entend-t-il prendre afin d’accroître la confiance des Canadien.ne.s en leurs autorités fiscales (Agence du revenu du Canada et ministères concernés) ?
Bloc Québécois
- Rapatriement de l’initiative de lutte contre les paradis fiscaux au Québec, en autorisant Revenu Québec à percevoir l’impôt fédéral et ainsi à obtenir accès aux renseignements fiscaux que le Canada reçoit de ses partenaires internationaux ;
- Exiger que les rapports ministériels sur le rendement, déposés annuellement par le gouvernement, divulguent plus de détails sur l’écart fiscal, l’utilisation des paradis fiscaux et l’action de l’Agence du revenu du Canada.
Nouveau Parti démocratique
- Pour lutter contre l’évitement fiscal des sociétés : augmentation du financement de l’ARC de 200 M$ (retombées attendues : 1,02 G $ sur 4 ans) ;
Parti conservateur du Canada
- Redirection des ressources de l’ARC pour qu’elles soient consacrées à la lutte contre le recours aux paradis fiscaux (objectif de recouvrement annuel : 1 milliard de dollars).
Parti libéral du Canada
- Pour lutter contre l’évasion fiscale et corriger les échappatoires fiscaux : tirer parti de la technologie à l’ARC.
Parti vert du Canada
- Renforcer les pouvoirs des agents du Parlement (Directeur parlementaire du Budget, Vérificateur général, etc.);
- Élargissement de la Loi sur l’accès à l’information aux cabinets ministériels et abolition des frais liés aux demandes ;
- Recentrer les activités de l’ARC sur la recherche de richesses cachées, notamment à l’étranger, plutôt que sur les contribuables à faible revenu.
2. La transparence des activités des multinationales
Le Canada constitue l’une des législations les plus opaques en matière de déclaration des activités fiscales et financières de sociétés. À l’exception du cas des sociétés cotées en bourse au Canada, les sociétés sont soumises à des exigences de déclaration très faibles qui privent le public d’informations quant aux impôts effectivement payés par ces sociétés.
L’accès public à des informations fiscales de qualité est un élément clef de la lutte pour la justice fiscale. Il rend possible le travail de veille des membres de la société civile et des journalistes, qui a permis au cours des dernières années des avancées décisives dans la lutte contre les paradis fiscaux. Quelles mesures votre parti déploiera-t-il afin que le public canadien soit mieux informé des activités fiscales et financières menées par les multinationales au pays ?
Bloc Québécois
- Réinstauration de la mesure, en vigueur avant 2008, qui exigeait des banques qu’elles détaillent leur profits, juridiction par juridiction, et le montant en impôts qu’elles auraient payé si ces revenus avaient été imposés au Canada ;
- Élargir l’obligation à l’ensemble des sociétés publiques sous juridiction fédérale ;
- Déclarations pays par pays : divulgation publique des informations contenues dans les rapports transmis par les multinationales au gouvernement canadien.
Nouveau Parti démocratique
- Mise en place des rapports financiers publics en fonction de chaque pays pour empêcher les multinationales de dissimuler leurs profits à l’étranger ;
- Exiger des entreprises qu’elles prouvent qu’elles ont une véritable raison commerciale pour ouvrir des comptes à l’étranger.
Parti conservateur du Canada
- Création d’un site web pour exposer les multinationales qui fraudent le système fiscal et refusent de payer leur juste part ;
- Élargir le programme de dénonciation des paradis fiscaux, en offrant aux dénonciateurs jusqu’à 20 % des fonds récupérés lorsqu’ils contribuent à dénoncer des stratagèmes fiscaux frauduleux.
Parti libéral du Canada
- Faire mener un examen du régime d’imposition des sociétés (principes-guides de l’examen : équité, transparence, simplicité, durabilité, compétitivité).
Parti vert du Canada
- Publication des données sur les subventions, les prêts et les avantages fiscaux accordés aux entreprises.
3. La dissuasion du recours aux paradis fiscaux
Les riches particuliers canadiens et les multinationales opérant au pays sont friands de paradis fiscaux. Selon une étude, les sociétés canadiennes avaient transféré lors de la seule année 2019 près de 26 G $ US de profits vers le paradis fiscaux, engendrant un manque à gagner fiscal de plus de 6,8 G $ US.
Dans le but de contrer les pratiques d’évitement fiscal, le gouvernement canadien a entre autres entrepris en 2022 une réforme de la mesure centrale de son dispositif de répression de l’évitement abusif, soit la Règle générale anti-évitement. Selon votre parti, quelles mesures le Canada doit-il adopter pour décourager le recours à l’évitement fiscal et aux paradis fiscaux par les contribuables canadiens (particuliers et sociétés) ?
Bloc Québécois
- Travailler à l’établissement d’un registre mondial des bénéficiaires réels de sociétés-écrans pour lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale ;
- Sévir davantage à l’égard des professionnels (firmes de placement, avocats spécialisés, fiscalistes) qui facilitent le recours à l’évitement fiscale de leurs clients ;
- Resserrement des règles encadrant les pratiques de divulgation volontaire, notamment en interdisant ces pratiques lorsqu’une enquête est déjà en cours.
Nouveau Parti démocratique
- Mise en oeuvre d’une taxe progressive (1 % – 3 %) sur la fortune des particuliers (patrimoines domestiques évalués à plus de 10 M $).
Parti conservateur du Canada
- Le parti ne s’est pas encore positionné sur cet enjeu
Parti libéral du Canada
- Le parti ne s’est pas encore positionné sur cet enjeu
Parti vert du Canada
- Le parti ne s’est pas encore positionné sur cet enjeu
4. L’imposition juste des multinationales
Les rares études qui se prêtent à l’exercice de comparaison des taux effectifs d’imposition des profits des multinationales placent le Canada en queue de peloton parmi les États de l’OCDE. Cette position peu enviable est la conséquence logique d’une tendance à la baisse qui touche le Canada depuis des décennies. En contexte de guerre tarifaire, l’incapacité du Canada à imposer justement les profits de multinationales prive non seulement l’État de ressources essentielles, mais échoue à limiter l’influence politique qu’exercent certaines multinationales au pays en vertu de leur poids économique.
Si votre parti forme le prochain gouvernement, quelles mesures mettra-t-il en place afin de lutter contre la baisse du taux effectif d’imposition sur les profits des multinationales ?
Bloc Québécois
- Exiger que les revenus des compagnies canadiennes comptabilisées dans les paradis fiscaux ne soient pas exonérés d’impôt lorsqu’ils sont rapatriés au Canada ;
- Abrogation du règlement de la Loi de l’impôt sur le revenu (règlement 5907.11.2) qui autorise les compagnies, en vertu des accords d’échange de renseignements fiscaux signés par le Canada, à rapatrier au pays leurs profits peu ou pas imposés dans les paradis fiscaux
- Estimation totale des retombées de la lutte contre le recours aux paradis fiscaux : 13,2 G $ sur 4 ans.
Nouveau Parti démocratique
- Abolition des accords avec des paradis fiscaux bien connus comme les Bermudes ;
- Imposition d’une surtaxe de 2 % sur les entreprises enregistrant des profits annuels de plus de 500 M $ (retombées attendues : 6,57 G $ sur 4 ans) ;
- Mise en oeuvre d’un taux minimal d’imposition de 15 % sur les bénéfices comptables des sociétés (retombées attendues : 16,23 G $ sur 4 ans) ;
- Révision du code fiscal pour éliminer les failles qui permettent aux grandes entreprises d’éviter de payer ce qu’elles doivent au fisc canadien (retombées attendues : 24,8 G $ sur 4 ans).
Parti conservateur du Canada
- Création d’un groupe de travail sur la fiscalité pour :
- rendre les règles fiscales plus équitables, plus simples et plus faciles à administrer ;
- éliminer les échappatoires qui permettent à des entreprises de cacher leur argent dans les PFs.
- Estimation des retombées totales de la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux à l’étranger : 12,9 G$ sur 4 ans.
Parti libéral du Canada
- Le parti ne s’est pas encore positionné sur cet enjeu
Parti vert du Canada
- Mettre fin aux accords fiscaux avec les paradis fiscaux notoires ;
- Élimination des échappatoires fiscaux pour les entreprises, relatives notamment aux stock-options et aux gains en capitaux ;
- Soutien à la mise en oeuvre de la Taxe sur les services numériques ;
- Augmentation du taux d’imposition sur le revenu des grandes compagnies de 15 % à 28 %.
5. Les initiatives de réforme de la fiscalité internationale
Depuis quelques années, le Canada manifeste une hostilité à l’égard du processus de réforme de la fiscalité internationale initiée par l’ONU, contre lequel il a voté à deux reprises. Pour cette raison, ainsi que pour ses pratiques fiscales dommageables à l’encontre de ses partenaires, le Tax Justice Network a qualifié en 2024 le Canada, avec sept autres juridictions, de « pays nuisible » à l’avancement de la lutte à l’évitement fiscal et aux flux financiers illicites.
Selon votre parti, quelles mesures doivent être mises en oeuvre afin de changer l’image de « pays nuisible » que le Canada projette sur la scène internationale ?
Bloc Québécois
- Appui réitéré à l’impôt minimal à 15 % pour les multinationales (pilier 2 de la solution à deux piliers de l’OCDE) ;
- Opposition à l’annulation de la taxe sur les services numériques tel que réclamé par le président américain Donald Trump.
Nouveau Parti démocratique
- Le parti ne s’est pas encore positionné sur cet enjeu
Parti conservateur du Canada
- Le parti ne s’est pas encore positionné sur cet enjeu
Parti libéral du Canada
- Mener un effort international, avec les partenaires en Europe et au G7, en vue d’établir un ensemble équitable et cohérent de règles fiscales internationales.
Parti vert du Canada
- Soutien au travail sur l’impôt minimum mondial pour les grandes sociétés.
Ce comparatif évoluera au gré de la campagne électorale. Vous êtes donc invité.e.s à consulter régulièrement cette page afin d’avoir le portrait le plus à jour de la situation.
Pour consulter les réponses complètes des partis politiques à notre questionnaire électoral, cliquer sur les liens suivants : Bloc québécois / Parti vert du Canada
Pour les autres sources utilisées, cliquer ici.